Le sujet de la continence chez l'enfant est de ceux qui font couler beaucoup d'encre et de salive.
Si je n'emploie pas le terme "propreté" c'est à dessein, car je le trouve particulièrement négatif et péjoratif (sous-entendant qu'avant d'être "propre", l'enfant est "sale").Bien avant que la question ne se pose chez nous, j'avais lu avec intérêt l'avis des "experts". Certains me parlaient plus que d'autres, allant dans le sens de ma conviction que le
continuum d'un enfant libre et respecté le pousse naturellement à l'acquisition des spécificités de son espèce - en l'occurrence l'espèce humaine - dont la continence fait partie.
J'ai également retiré de ces lectures quelques éclairages sur ce qui se joue alors au plan physiologique.
Extraits :
"C'est aux environs de deux ans, à partir du moment où un enfant est capable de monter et descendre une échelle tout seul, une échelle de ménage, jusqu'à la dernière marche à laquelle il s'accroche avec ses mains, eh bien, c'est à ce moment-là que son système nerveux est constitué et qu'il peut donc être propre, s'il est attentif. Avant, il ne le peut pas.
[...]
C'est vraiment dommage de perdre tant de temps avec le pot de chambre, alors que tant d'autres choses sont à faire, pour développer l'adresse des mains, de la bouche, de la parole, du corps tout entier... Lorsque l'enfant est adroit, habile de ses mains, acrobate, c'est-à-dire jouit en liberté et relaxation d'une bonne coordination de ses mouvements, et d'un tonus maîtrisé, lorsqu'il parle déjà bien, il a plaisir à devenir propre tout seul, à faire comme font les adultes, c'est-à-dire aller aux cabinets."
Françoise Dolto,
Lorsque l'enfant paraît - Tome 1"La continence d'urine nocturne apparaît définitivement - si on ne lui a jamais donné de valeur bonne ou mauvaise - au plus tard trois mois après la continence diurne. Mais la propreté complète s'installe un peu plus tard pour les garçons que pour les filles. Cela vient de ce que, pour les filles, la "propreté" (continence sphinctérienne) n'a pas de rapport avec le génital, tandis que pour le garçon la confusion demeure plus longtemps : il ne fait pas de différence entre une miction et une érection. Et c'est sans doute la raison de son acquisition plus lente. Il confond besoins et désirs localement surgis dans cette zone.
[...]
Le vocabulaire contribue beaucoup à clarifier les choses ou à augmenter la confusion. Quand on change un bébé, ne lui parler que de ses "fesses" accroît la confusion. Ou bien on dit à un plus grand, indistinctement : "Va donc te laver le derrière..." Derrière, ce sont les fesses et l'anus, devant c'est le sexe ou la miction urinaire, pour la fille comme pour le garçon. Il faut donc très tôt, par le langage, faire comprendre aux enfants qu'on ne parle pas de la même façon des fonctionnements pipi ou caca, et des parties du corps, derrière : fesses, devant : pénis, vulve. Sinon c'est la confusion totale."
"Tous les mammifères sont continents une fois que leur terminaison nerveuse est complète. Chez les animaux, cela prend à peine quelques jours, mais chez les humains, c'est beaucoup plus long, parce que cette terminaison nerveuse met plus de temps à se faire. Bien plus, avant de renoncer au plaisir de l'anus, l'enfant doit développer le plaisir des mains qui ont appris à manipuler des objets, comme la pâte à modeler, le sable, la boue, etc. En sorte que les mères qui essaient de rendre leur enfant continent avant le temps sont des mères perverses, parce qu'elles ne respectent pas le développement normal de leur enfant. Or, pour dire les choses autrement, on a alors une éducation perverse de ce qu'on appelle en psychanalyse le stade anal."
Françoise Dolto,
Les étapes majeures de l'enfance"Comme nous l'avons dit, peut-être trop souvent déjà - mais répétons-le puisque le problème est toujours d'actualité lorsque l'enfant a deux ans -, seul lui-même est en mesure de décider à quel moment il sera capable d'être propre. Peu importe la pression, toujours présente, des grands-parents, des puéricultrices, des amis bien intentionnés. L'indifférence est de rigueur. Ce
devra être sa réussite, et non la leur.
Il faut attendre que tous les signes que nous avons énumérés (langage, imitation, goût de l'ordre, affaiblissement du négativisme) apparaissent clairement avant de commencer l'apprentissage de la propreté. Ces signes se manifesteront probablement dans le courant de la troisième année."
"A trois ans, un enfant peut avoir l'impression qu'il a toujours été propre, au moins pendant la journée. Tout accident, quel qu'il soit, lui sera très pénible. Mais à certains moments on peut comprendre qu'il y ait régression dans le domaine de la propreté : si la mère ou le père s'absentent, s'il y a un nouveau-né dans la famille. C'est aux parents à faire comprendre à l'enfant la cause de ces "accidents", sinon il risquerait de se sentir coupable. Si au contraire l'enfant comprend ce qui lui arrive, il y a de grandes chances que l'incident ne se reproduise pas. Les échecs à répétition arrivent lorsque la pression, pour cette éducation à la propreté, est trop forte, ou tout simplement lorsque l'enfant n'est pas prêt. Que les parents ne le laissent surtout pas se sentir inapte. Les couches pourront être utilisées, non comme une punition, mais pour lui éviter la crainte des accidents. Dès que l'enfant recommence à se contrôler, les parents peuvent lui rappeler combien il a progressé, lui faire comprendre que c'est sa réussite et qu'eux sont fiers de lui.
[...]
Une véritable compréhension du désir de l'enfant à suivre son propre rythme fait de l'apprentissage de la propreté un point fort, l'occasion d'éviter des problèmes tels que l'énurésie ou la constipation."
T. Berry Brazelton,
Points forts - De la naissance à 3 ans"Les parents ont simplement à proposer un pot, à montrer comment s'en servir et à attendre que le petit ait envie de l'utiliser. Il ne faut jamais se fâcher à ce propos, ni humilier l'enfant, ni lui donner une fessée. La méthode à suivre est simple : laissez votre enfant évoluer à son rythme, sans être obnubilé par cet apprentissage.
En effet, la plupart des enfants refusent un jour les couches la journée en demandant tout naturellement le pot ou les toilettes, puis deviennent propres la nuit. L'acquisition de la propreté ne se fait cependant pas toujours aussi simplement : à l'âge de 3 ans, environ un enfant sur cinq n'apprécie pas qu'on ne lui mette plus de couches et n'a pas acquis la maîtrise de ses sphincters."
Edwige Antier,
Elever mon enfant aujourd'hui"Malheureusement, une des conditions d'entrée à l'école maternelle étant la continence le jour, bien des parents ont envie d'intervenir pour accélérer cet "apprentissage" et, du coup, aboutissent au résultat inverse. Se fâcher, punir, et même récompenser, seront une entrave à l'acquisition de ce progrès.
Certains blocages psychiques que nous vivons en tant qu'adultes prennent racine dans cette période. Proposer le pot est une des possibilités que les parents utilisent pour soutenir l'enfant dans sa volonté de progrès.
Il s'agit bien de proposer et non d'imposer, les séances de pot peuvent se transformer en périodes de tensions aigües pour les parents et pour l'enfant et rester improductives.
Votre énervement devrait être une sonnette d'alarme, vous vous sentez en colère : arrêtez vos tentatives et reprenez-les plus tard.
C'est la même chose pour l'enfant, si votre bambin est en larmes n'insistez pas, attendez quelques semaines.
[...]
Mais n'oubliez pas que lorsqu'il en est l'initiateur, tout est simple, sain, et alimente sa confiance en lui. La meilleure des choses est encore de lui en parler, de lui montrer comment vous vous y prenez vous-même, et de le laisser gérer ses besoins physiologiques."
Catherine Dumonteil-Kremer,
Elever son enfant... autrementIl semblerait que la maîtrise sphinctérienne soit acquise, en moyenne, environ un an après la marche assurée.
Mais le moment où l'enfant se sent le
désir et la volonté de devenir continent, lui seul le connait.
Je vous raconte notre expérience avec Emma.
Elle a marché très tard (23 mois).
Au cours de sa troisième année, nous avons mis un pot à sa disposition, en lui expliquant la façon dont elle pourrait s'en servir.
Pendant des mois, elle a alterné les périodes où elle a joué avec, le trainant partout et y "rangeant" toutes sortes de choses, avec d'autres où elle s'en est désintéressée totalement.
Nous lisions souvent le livre animé
Sur le pot de Marianne Borgardt, qu'elle adorait :